Rentré de captivité depuis peu, Luc a fait la connaissance d’Hélène. Ils s’aiment et peuvent croire qu’ils vont lier leurs vies. Dans l’atmosphère convalescente du Paris de l’après-guerre, on les dirait seuls tous les deux. Par l’amour, le rêve, la pensée, ils sont assez proches, assez ardents, pour se faire un monde à eux. Ils touchent au bonheur ; mais y auront-ils droit ? Luc n’est pas libre, il ne sera jamais libre. Poète d’avant-garde, obsédé de sa création, envoûté par celle-ci. Entre Hélène et lui, "L'invisible tiers" revendique, avec la plus cruelle violence, tous ses droits. Luc est un homme déjà pris. son art le tient, maître impérieux, tyrannique, qui n’accepte aucun partage. Toutefois, des alternatives de combats intérieurs vont se livrer en l’écrivain, à propos de cette jeune femme qu’il ne peut cesser d’aimer. Finalement, c’est elle, pour ce qu’elle croit être “le meilleur” du destin de son ami, qui assume la pesante décision de leur définitive rupture. Hélène frôle alors le désespoir, mais une révélation l’en sauvera : dans l’abnégation sans réserve, peut exister une force aimante et généreuse. Je ne crois pas que le problème des droits réciproques, ou plutôt antinomiques, de l’amour et de la vocation artistique, ait jamais été posé avec tant de violence intérieure, et d’exquise mesure dans l’expression et dans la forme. C’est un roman, un grand roman de poète : il a autant de résonances bouleversantes que ces recueils ailés de poèmes, qui ont rendu cher à tant de lecteurs le nom de Christiane Delmas.