Sulliman Morgade, médecin à Franceville, est un homme cultivé, d’une brillante intelligence, alliant - à une intransigeante droiture - une parfaite courtoisie. Il a retrouvé, à Franceville, en venant - après ses études - s’y installer avec sa jeune femme (une belle et fine Parisienne), le R. Père Pierre Mahavel, son camarade d’enfance, auquel le lie une profonde et fraternelle amitié. Mais Sulliman Morgade est musulman. Dans cette petite ville, où la vie tourne en rond, il s’est vite heurté à la fois à ses coreligionnaires, qui ne lui pardonnent pas ses relations avec la « société » de Franceville, et à cette même « société » qui ne lui pardonne pas davantage ses origines. Devenu veuf, Sulliman désire refaire sa vie avec une jeune fille créole, de condition modeste, mais apparentée aux meilleures familles de Franceville, Évelyne Roussot. Toutes sortes de considérations ségrégationnistes - ou d’ambitions inavouables - vont compromettre ce mariage et la blessure sera vive. Le destin que le Docteur Morgade, ainsi qu’un paria, porte à son cou, le conduit vers d’autres amours plus favorables : il épouse Chantal de Kéguen, qui lui donnera une petite fille. Mais la guerre éclate pendant le séjour du couple en France et, au cours d’un bombardement, la mort viendra mettre un terme brutal à ce bonheur à peine entrevu. Seule l’enfant survivra, petite orpheline que le Père Mahavel sera chargé d’élever. L’auteur, qui cache toute une vie de médecin sous un pseudonyme transparent, dissèque - d’un scalpel sans concession - une tranche de cette « vie des îles » qui mêle parfois - sous un calme apparent - les sentiments les plus purs aux préjugés les plus féroces. Ses personnages, il les regarde vivre d’un œil amusé, parfois sceptique et parfois tendre. Il ne juge pas. Mais on ne peut nier qu’il oblige à réfléchir...