Fernand Deligny est considéré comme un des pionniers de l'éducation spécialisée. Et il est bien vrai qu'il lui a, en quelque sorte, consacré toute sa vie. Tant dans ses actes, que dans ses dires, il a constamment témoigné et bousculé le milieu éducatif. Puis, pendant des années, Deligny semblait avoir disparu. Certes, il savait cultiver le silence, mais ce silence avait un sens. Il nous a quittés pour de bon en septembre 1996, et l'on s'est remis à parler de lui. Il devenait urgent de faire œuvre de mémoire, pour continuer à interroger l'éducation au moyen des propos, des actes, des intentions et de l'itinéraire de Deligny. C'est dans cet esprit que cet ouvrage a été écrit.
Deligny était avant tout un homme d'action. Toutes les histoires qu'il nous raconte sont ancrées dans un faire, et ceci se ressent toujours, donne une densité et une crédibilité à ses remises en cause. Ensuite, c'était un homme de rupture. Il n'a cessé de s'opposer tant institutionnellement qu'intellectuellement. Et encore, c'était un homme d'enracinement. Il a été fidèle à des intuitions, à des principes, à des êtres. Enfin, c'était un homme d'insatisfaction. Il savait cruellement les limites dans ce qu'il faisait et de ce qu'il faisait.
Deligny a su joindre le faire et le dire. Il a touché le sens de l'extrême, aussi bien dans ses actes, que dans ses paroles. C'est pourquoi, pour le présenter, on ne peut se contenter de dire ses actes, de parler de ses livres. Il est indispensable de le donner à entendre à travers ses propres textes, d'entrer dans son propre langage. L'objectif de cet ouvrage est donc, à la fois, de le présenter, de l'interroger, et de donner à le lire.