Catapulté au pouvoir un 18 juin, Pierre Mendès France sera renversé un 6 février…
En sept mois, il court à Genève résoudre une guerre ; à Tunis en prévenir une autre ; à Bruxelles et à Londres débrouiller l'écheveau, où l'Europe naissante se prend les pieds ; au Palais des Nations Unies réamorcer le dialogue Est-Ouest, malgré les rebuffades des deux plus grands intéressés ; au Vatican, à Rome et à Baden-Baden prouver aux Européens leur solidarité.
Pour débusquer "le plus grand ennemi, la méfiance", il va de Chou En Lai à Winston Churchill, de John Foster Dulles à Pie XII, d'Adenauer à Bourguiba ; il écrit à Ho Chi Minh et à Ngo Dinh Diem dans leurs nouveaux palais, à Mohamed V dans son exil. Il amène chacun à se dévoiler, à abattre les cartes, qui vont remettre le monde en mouvement. La genèse des événements actuels, sur quatre continents, ne s'éclaire pleinement que par référence à ces tête-à-tête dont, après plus de dix ans de secret, Pierre Rouanet révèle la teneur et aussi l'aspect humain, le rythme tantôt ardent tantôt âpre.
« Mendès France au pouvoir » c'est encore, à travers les objurgations contradictoires de Charles de Gaulle ou de Georges Bidault, de Guy Mollet, d'Édouard Herriot ou de Waldeck Rochet, l'élan enthousiaste d'une nation, qui se mobilise pour les tâches sociales, économiques et civiques, au sortir de sa convalescence d'après-guerre : un exécutif, enfin cohérent, se dispose à mettre en place les réformes auxquelles le pays l'attend.
Mais, déjà, l'ombre de la guerre d'Algérie se lève sur ces heures toniques. Les acteurs du drame à venir cherchent leur place sur la scène de l'Histoire, et débitent les premières tirades.